Mon voisin filme mon jardin : que faire ?


Avec la multiplication des caméras de surveillance chez les particuliers, les conflits de voisinage autour du respect de la vie privée se font plus fréquents. Parmi les situations les plus sensibles : un voisin qui installe une caméra orientée vers votre jardin, votre terrasse ou vos fenêtres. A-t-il le droit de filmer chez vous ? Que dit la loi ? Quels sont vos recours ?
Cadre légal : ce que dit la loi française
Le principe du respect de la vie privée
L’article 9 du Code civil pose un principe clair : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » Ce droit inclut votre image, celle de vos proches et vos lieux privés (jardin clos, intérieur de la maison, terrasse, etc.). Un dispositif de vidéosurveillance ne peut pas porter atteinte à cette intimité.
Une caméra oui, mais sur sa propriété uniquement
Un particulier peut installer des caméras chez lui sans autorisation spécifique si :
- elles filment uniquement l’intérieur de son logement ou ses abords immédiats (jardin, garage, allée privée) ;
- elles ne filment ni la voie publique, ni la propriété voisine, ni l’intérieur d’un autre logement.
Concrètement, votre voisin peut filmer chez lui, mais pas chez vous.
Comment savoir si la caméra filme chez vous ?
Il n’est pas toujours évident de déterminer le champ exact d’une caméra. En cas de doute :
- observez l’orientation de la caméra de jour comme de nuit (la vision infrarouge peut être visible par un léger halo) ;
- prenez des photos pour documenter sa position et son angle présumé ;
- en cas de suspicion sérieuse, sollicitez la police ou la gendarmerie pour une vérification sur place.
Que faire si mon voisin filme mon jardin ?
1. Privilégier le dialogue
- expliquez calmement à votre voisin que la caméra semble filmer votre propriété ;
- proposez qu’il réoriente l’objectif ou limite le champ de vision ;
- si possible, confirmez cet échange par écrit (courriel ou courrier simple) afin de garder une trace.
2. Envoyer une mise en demeure
Si aucune solution amiable n’est trouvée, adressez une lettre recommandée avec accusé de réception dans laquelle vous :
- rappellez le droit au respect de la vie privée (article 9 du Code civil) et les infractions possibles (article 226-1 du Code pénal) ;
- demandez la désinstallation, l’occultation ou la réorientation du dispositif dans un délai précis ;
- indiquez que, sans réponse, vous envisagez de saisir la CNIL ou la justice.
3. Saisir la CNIL
La CNIL peut être saisie si un dispositif de vidéosurveillance porte atteinte à votre vie privée :
- déposez une plainte en ligne sur le site officiel ;
- joignez vos preuves : photos, témoignages, copies des courriers échangés ;
- la CNIL peut alors intervenir et exiger la mise en conformité du dispositif.
4. Saisir la justice
Voie civile
Vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour faire cesser l’atteinte à votre vie privée. Le juge peut notamment :
- ordonner le retrait de la caméra ou la modification de son orientation ;
- accorder des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Voie pénale
Si la caméra filme un lieu privé sans votre consentement, vous pouvez déposer plainte en invoquant l’article 226-1 du Code pénal, qui sanctionne :
- la captation d’images d’une personne dans un lieu privé sans son accord ;
- peine encourue : jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Cas particuliers : copropriété et caméras factices
Caméra en copropriété
- l’installation dans les parties communes doit être votée en assemblée générale ;
- interdiction de filmer les portes d’appartements, balcons ou espaces strictement privatifs ;
- obligation d’informer clairement les résidents (affichage, panneau).
Caméra factice
Une caméra factice n’enregistre rien et n’est pas formellement interdite. Toutefois :
- elle peut créer un sentiment de surveillance ou d’intimidation ;
- en cas de conflit, elle pourra être prise en compte par le juge dans l’appréciation d’un trouble anormal de voisinage.
Comment protéger concrètement votre vie privée ?
- installer un brise-vue, une clôture ou une haie pour limiter le champ de vision ;
- documenter systématiquement la situation (photos datées, échanges écrits) ;
- consulter un avocat ou votre assistance juridique habitation en cas de tension persistante ;
- éviter toute escalade et privilégier des démarches graduées et argumentées.
En résumé : vos droits face à une caméra de voisin
- une caméra installée par un particulier doit filmer uniquement sa propriété ;
- filmer le jardin, les fenêtres ou l’intérieur du voisin constitue une atteinte à la vie privée ;
- dialogue, mise en demeure, CNIL, tribunal : plusieurs recours existent ;
- conservez toujours des preuves de vos démarches et faites-vous accompagner si nécessaire.
À noter : n’hésitez pas à solliciter l’aide d’un professionnel du droit (avocat, maison de la justice, assistance juridique de votre assurance habitation) pour être guidé dans vos démarches.

Camille Bérard
Camille a 34 ans et un Master en droit privé. Elle est aujourd’hui rédactrice web spécialisée dans les sujets juridiques, patrimoniaux et familiaux. Son expertise lui permet d’expliquer des concepts souvent complexes avec pédagogie, clarté… et sans jargon. Elle s’attache à proposer des contenus pratiques, bien sourcés, et toujours utiles au quotidien.